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L’argent : une introduction

Paul Soriano, 4 juillet 2008

Modifié le : 11 juillet 2020

Si l’argent transforme nos relations avec les choses et, via les choses, nos relations avec les autres, le « numérique » amplifie ces transformations, car il intensifie les propriétés du numéraire. L’argent numérique démultiplie le nombre et la vitesse des transactions, parachève l’abstraction de l’économie, dope l’imagination des financiers et la virulence de la spéculation : périodiquement les dispositifs de confiance requis par le « commerce des promesses » s’effondrent et cèdent à la panique.

Pour autant, les effets de l’argent ne sont nullement univoques. Chacun de ses vices recèle une vertu et réciproquement : il libère et asservit, il égalise et creuse les inégalités, il noue et dénoue le lien social, il appelle à la raison et attise les passions… Et comme il n’agit pas à sens unique, il ouvre à ses usagers toutes sortes de ruses et de détournements légaux et illégaux.
Il est vrai que l’argent « colonise » en quelque sorte les ordres et les corps qui incarnent d’autres valeurs : le politique, les médias, la culture, le sport, la médecine… A chacun, il assigne sa norme d’efficience et ses calculs et ne concède la parole qu’au seul discours sur les « externalités » qui échappent encore à la mesure.
Pourtant, ce n’est pas l’argent mais bien les argentiers qui imposent « indicateurs » et normes comptables, objectifs et ratios de rentabilité. Ce sont eux – la caste étroite des financiers, leurs fondés de pouvoir dans les entreprises et leurs experts zélés – qui impriment au monde de la finance globale sa propension à la démesure : toujours plus de transactions, de bulles, de dettes, de bonus, d’inégalités.
Les résistances empruntent des voies diverses. L’esprit de réforme prétend corriger les « excès du capitalisme » en termes de transparence ou de régulation. D’aucuns entendent ménager des enclaves, des zones franches de tout calcul pour la culture, l’éducation, la santé… Des contestations plus radicales opposent à la valeur d’autres valeurs, inconciliables : altermondialisme, souverainisme, populismes…
Mais le rejet de toute « marchandisation de l’existence » ne doit pas nous conduire à déprécier les vertus (ou les vices) d’un médium dont nous serions bien en peine de faire l’économie.
Moins ostensibles, des stratégies pragmatiques pourraient se montrer plus productives. C’est pourquoi il faut s’intéresser à tout ce qui ruse avec l’agent, joue de ses paradoxes, et plutôt que d’invectiver ses maîtres, les prend au mot, les défie d’aller jusqu’au bout de la logique de l’argent.
Ce que l’argent fait à la société, il se pourrait bien que la société le lui rende, avec intérêts.


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