Pollinisation

« Le miel et le pollen » est une autre fable des abeilles (après celle de Mandeville) qui permet de saisir le changement qui affecte la conception de la valeur. Un producteur de miel met en œuvre des moyens techniques (la ruche), ses propres compétences et un détournement des compétences des abeilles, persuadées de travailler à leur compte sur la flore (aliénées). Si les droits de propriété sur la ruche ne soulève pas de difficultés, ceux qui portent sur les abeilles sont problématiques, puisque c’est du libre affairement des insectes que notre homme tire toute sa richesse. S’il lui prenait fantaisie d’introduire un peu de discipline dans l’existence de « ses » ouvrières, en faisant valoir ses droits de propriétaire, il s’aviserait très vite de sa bévue. De surcroît, il porterait atteinte à un « bien public », la pollinisation, qui nourrit non seulement le producteur et les abeilles mais aussi toutes sortes de processus naturels (les experts estiment que la production de 35 % de la nourriture des hommes dépendent de la pollinisation). On pourrait écrire la même fable en changeant décor et personnages : substituer un éditeur (ou un rédacteur en chef) au producteur de miel et « ses » auteurs aux abeilles. Faute de pouvoir acquérir pleine propriété sur les personnes (l’esclavage étant un peu partout aboli), il pourrait les persuader de renoncer à leur vie dissipée pour s’engager contractuellement à produire du texte 35 heures par semaine…

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