Contre Anne la souveraine, Rachida la combattante et Cédric le matheux, BG est conscient qu’il lui manque une case à cocher… Coup de génie, il se positionne en artiste, avec son projet d’installation de Central Park gare de l’Est. Banalement onaniste à ses heures, BG est de surcroît vidéaste. Et qu’est-ce qu’un vidéaste ? Un artiste ! En conséquence, dès la mise en ligne de la vidéo volée, il révèle qu’il s’agit d’une œuvre militante, intitulée ONANISMATIC I ou VIDEORGASME II…
La filière russe va de soi : au même moment (est-ce un hasard ?), le chef de l’État fait savoir que la Russie va « continuer à essayer de déstabiliser les démocraties occidentales » (conférence de Munich sur la sécurité, 16 février). Bingo ! Victime d’un agent russe, forcément manipulé par les services de Poutine, BG lui réclame du même coup, mettons 150 000 euros (en attendant plus, car sa cote va grimper) plutôt que de le poursuivre bêtement pour atteinte à l’intimité de la vie privée. Mieux : sous cette menace, il peut aussi (variante du scénario) le faire chanter en l’obligeant à « révéler » qu’il est en fait l’assistant (de BG), pour donner encore plus de relief à la performance : geste artistique au carré…
Après quoi BG s’empresse d’uploader d’autres vidéos, ONANISMATIC II, III, IV, etc. afin de banaliser l’affaire et de l’inscrire dans une « série », à la manière des Nymphéas de Monet (attention toutefois, on en compte deux-cent-cinquante, de Nymphéas, ça suppose une endurance peu commune…).
Et de publier ensuite un communiqué exposant son projet : libérer le dernier pan de la sexualité encore stigmatisé, l’onanisme, précisément (relation innocente d’un adulte consentant avec soi-même, exempte par construction de tout harcèlement). Geste particulièrement courageux, de la part d’un ancien ministre, ancien porte-parole du gouvernement et futur maire de Paris… Et de relier enfin le tout à son autre projet, l’installation de la gare de l’Est, afin de restituer à Paris son statut de capitale mondiale de l’art contemporain…
Dans cette perspective, c’est le comportement du « vrai » BG qui devient incompréhensible. Victime, il plaide coupable ; auteur d’une œuvre disruptive, il s’excuse de l’avoir produite et bat en retraite, au lieu d’en exploiter toutes les opportunités. C’est comme si Courbet s’excusait pour l’ Origine du monde, et renonçait à la peinture ! Ou comme si le président avait démissionné après la publication de son fameux “selfie au doigt d’honneur”, à Saint-Martin en septembre 2018, dont il a su au contraire, extraire toute la symbolique diversitaire…
Bref : son geste lui ouvrait à la fois les portes de l’Hôtel de Ville et celles du marché de l’art contemporain, et il se retire, piteusement ! Comme quoi, n’en déplaise à Michel Audiard, les « cons » (Serge July dixit) ça n’ose pas assez.
Scénario peu crédible, direz-vous… dans quelques années, peut-être ? À ceci près que dans quelques années la publication d’une telle vidéo passera complètement inaperçue ; il en faudra bien davantage – on n’ose même pas penser quoi – pour émouvoir les gens.
Moralité : c’était maintenant ou jamais. Quel gâchis !