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Posthumain

Post-humain ?

Ultime avancée de l’anthropocène ?

Paul Soriano, 22 mai 2021

Modifié le : 2 août 2021

Mode intellectuelle, ou bien réalité dans laquelle nous (les mutants contemporains) serions déjà engagés ? La quête de l’homme nouveau est bien plus qu’une mode, et elle n’a rien de nouveau.

On connaît d’innombrables « cultures », qui sont autant de façons différentes d’être humain. On peut, comme c’est le cas aujourd’hui, envisager de prendre congé de l’humain en passant le relais à la machine. Mais il y d’autres options : le pré-humain (animal), le surhumain, ou le plus qu’humain (« vous serez comme des dieux », promet le diable). Ou encore vers l’inhumain (indigne d’une certaine idée de l’homme), etc. Être humain, en somme, ce serait n’être rien d’achevé (déterminé), au risque de n’être rien du tout, à l’image du Dieu de la théologie dite négative, suspecte d’athéisme…

Chichement équipé par la Nature, Homo doit donc se construire lui-même mais toujours de manière contingente : ce qu’il a fait peut toujours être défait ; et donc toujours enclin à (se) « changer », comme individu (développement personnel ou conversion) ou collectivement (réforme ou révolution). La construction de soi appelle tôt ou tard une déconstruction.

« Pas fini », mais pourvu d’une imagination qui le porte à fantasmer le comblement de ses manques et la satisfaction de ses désirs, l’homme est un fabulateur qui se cherche opiniâtrement des raisons d’être, et n’a de cesse ensuite de les réfuter. Il faut pourtant bien qu’il y ait une raison de… (d’être, d’agir, d’obéir…) : d’où la série d’arguments d’autorité majuscule : Dieu, la Nature, la Loi morale, la Raison justement ; ou bien encore la Tradition (on a toujours fait comme ça)…

Après la religion (un autre monde, juste et ordonné), la philosophie « critique » et le combat politique « éclairé » en vue d’un monde meilleur s’inscrivent dans cette alternance de constructions et de déconstructions ; en termes politiques, la « gauche » critique et messianique (« Demain, la Révolution ! ») et la « droite » édifiante et conservatrice : « pourvu que ça dure » – mais les plus lucides savent bien qu’il faut encore tout changer pour que rien ne change, et la « réaction » singe encore la révolution pour revenir en arrière…

Après avoir beaucoup converti les autres, de gré ou de force, à la religion du progrès, au changement pour un monde meilleur (ou pour l’autre monde en cas d’opposition déraisonnable), l’Occident moderne a enfin entrepris de déconstruire systématiquement toutes les autorités transcendantes (non humaines). Jusqu’à se confier à cet avatar vulgaire de la Raison qu’est l’intérêt personnel : dans une société de marché on convertit en unités monétaires, pour les accorder, des désirs… malheureusement plus mimétiques que complémentaires : l’échange impossible ?

Encore raté ! La main invisible (du marché), au demeurant tout aussi mystérieuse que la Providence, ne se montre guère mieux avisée. Toujours insatisfait, et de plus en plus, en dépit de cinq siècles de « progrès », il y a de quoi tourner nihiliste, ou tout au moins envisager sérieusement le « post-humain ».

La preuve : il en existe déjà un dictionnaire (Posthuman Glossary, 2018). On y relève quelques entrées amusantes voire cocasses : Radical Mediocrity, Gaga Feminism… ou encore Real Cool Ethics  ; ou pas très rassurantes : Posthuman Disability (invalidité) and DisHuman Studies, Placenta Politics (politique du placenta ?), ainsi que l’inévitable Zombie.
Paradoxalement, le post-humain reste obstinément anthropologique : aucun autre animal n’envisage d’échapper à sa condition et les animaux ne produisent pas non plus d’Animal Studies. Le rejet de l’anthropocentrisme pousse paradoxalement celui-ci à l’extrême, par projection de valeurs humaines sur le monde vivant, en général dans la perspective morale de l’universellement correct : au-delà de la simple bienveillance, l’animalisme envisage d’étendre à nos amies les bêtes (en attendant les plantes et les robots ?) des droits humains pourtant qualifiés de « naturels »… Le post-humain, ultime avancée de l’anthropocène ? Décidément, on aura du mal à s’en défaire, d’autant qu’en dépit des pandémies naturelles, la technologie nous promet de surcroît l’immortalité. C’est à désespérer.
A défaut de successeur biologique, ou de surhomme, c’est donc encore une créature humaine qui tient la corde : Machina sapiens. Qu’est-ce que l’homme ? « Un être fait pour être surmonté », répond une intelligence artificielle qui a lu tous les livres (de Nietzsche, entre autres).
Malheureusement, ou heureusement, Machina sapiens est une chimère ; et son règne, espéré ou redouté, dissimule encore une mystification politique. Qu’est-ce que l’homme ? « Un être fait pour être dominé par d’autres hommes », corrige une autre intelligence artificielle, mieux informée.


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