« Et si je me trompe, je sais que vous me corrigerez » (Jean-Paul II)

Visiteurs connectés : 1

Accueil > Les temps qui viennent > Soft power > Présentisme ?

Temps

Présentisme ?

La machine à démonter le temps

Paul Soriano, 1er juillet 2021

Modifié le : 6 août 2021

Amnésique notre époque ? Elle souffrirait plutôt d’hypermnésie, d’incontinence mémorielle et de commémorations. Le temps de notre temps est un présentisme lesté d’une longue mémoire.

La mémoire ne flanche pas, les archives au contraire prolifèrent, à la disposition de tout un chacun, mais tout sur le même plan : et du coup, c’est la chronologie qui ne suit plus. Le numérique, c’est la machine à démonter le temps. On convoque au petit bonheur le passé, on le rend présent, et indéfiniment recyclable. L’anachronisme défie le sens de l’histoire (« et en même temps »)…

Vintage et rétromanie font proliférer les objets de pacotille, les modes et les idées que l’on disait révolus. Les greniers ne se vident que achalander les foires à tout. Ou, plus sérieusement, des « retours » en forme de retour du refoulé, l’identité par exemple…

En d’autres termes, le temps libre de la fiction se substitue au temps contraint de l’histoire. Mais du coup tout devient fiction, l’histoire (« roman national »), la politique… L’Union européenne se rejoue l’histoire de l’Europe, non plus sur le champ de bataille, mais à la table des négociations, pacifiquement. La fin de l’histoire ce sont des histoires sans fin comme dans les séries télévisées.

Une série TV à succès comme Game of Thrones, par exemple, s’inscrit non seulement dans des lieux fictifs, mais dans une temporalité indéterminée, bien qu’elle évoque en vrac les temps mythiques, Moyen-Âge et Renaissance, parfois… simultanément. Avec de nombreuses références à la modernité que les fans de la série s’ingénient à repérer. C’est du divertissement bien sûr, mais c’est aussi un cours de sciences politiques pour les nuls : on a toujours apprécié les fictions historiques, mais c’était du passé, aboli, qu’on regardait de loin, et bien souvent de haut ; aujourd’hui une fantaisie médiévale est criante d’actualité : le révolu est revoulu, voire révolutionnaire.

Mais à défaut d’un passé dépassé (à sa place), on ne voit rien venir. No future. Bousculée la chronologie, le désordre du discours contamine à son tour la suite des événements…


Envoyer un message à l'auteur : Contact