La trace n’est pas seulement ce qui reste d’une croyance, d’un savoir ou d’une opinion, mais l’une des conditions nécessaires à leur émergence et leur propagation. Car tout système symbolique est en lui-même un système de traces, anticipant sa transmission par l’adoption ou la production d’un régime d’inscription spécifique. La trace suppose un support, un outil, une technique d’écriture et de lecture, un régime sémiotique, une méthode d’indexation, de contrôle et de conservation et un dispositif de diffusion. Religions, idéologies et doctrines s’articulent donc autour d’une certaine économie des traces, qui ordonne leurs modes d’enregistrement, de stockage et de circulation. Point de convergence entre des savoir-faire, des cultures, des acteurs et des technologies, la trace témoigne d’une organisation du collectif par l’organisation de la matière. On s’intéressera donc autant à la cohésion des systèmes de traces, qu’à leur évolution : soit des chaînages, comme celui qui relie la trace imprimée au savoir critique et encyclopédique, en passant par le papier, le plomb, la presse, l’édition, l’école, la bibliothèque, la composition, la classification… ; soit des tendances, comme la miniaturisation, l’accélération, la multiplication, l’automatisation ou la virtualisation des traces. (Louise Merzeau).